J’écoute…

J’ai beaucoup d’amis et ils semblent être heureux de ma façon de les écouter. Je ne les interromps pas… ou si peu… Seulement dans les débats enflammés, où tout le monde parle en même temps de toute façon! Je suis bien éduquée. J’écoute, en attendant sagement mon tour de parler.

Les chevaux écoutent. C’est un de leur sens très aiguisé. Ils perçoivent ainsi l’environnement et peuvent réagir aux éventuels dangers. Les chevaux écoutent avec leur corps. À leur façon, ils écoutent non seulement avec leurs oreilles, mais aussi leurs yeux, leurs poils, leurs sabots et leur système nerveux. La qualité de leur attention est constante, ils sont à l’affut. Rarement, ils la diminuent. Oui, les chevaux se reposent et baissent la garde, lorsque l’un de leurs congénères, qu’on appelle sentinelle, surveille, garde l’espace et veille. Alors ils peuvent se reposer pleinement et débrancher pour quelques instants leur vigilance.

Pour ma part, je sais que je suis attentive, mais j’ai l’impression de ne pas toujours être connecté à ce qui m’entoure. Par exemple, je sursaute fréquemment lorsque quelqu’un arrive près de moi, ne l’ayant pas entendu. Il me semble n’avoir qu’une seule partie de mon attention qui est sur l’environnement. Ma tête est encombrée de préoccupations, de pensées. Cette activité dans mon cerveau semble être impossible à diminuer… J’ai souvent l’impression d’avoir dans la tête un hamster qui court vite, vite, vite… Je n’ai personne à qui demander de prendre la relève. Les gens autour de moi ne sont pas des sentinelles à qui je peux demander de veiller pour que je puisse me reposer pleinement. Ils ont aussi leurs préoccupations.

Ainsi, je l’avoue, j’écoute souvent en pensant à autre chose. Le plus souvent, je pense à ce que je vais répondre à la personne qui me parle. Je prépare mon texte, mon entrée en scène. Parfois aussi, j’écoute en pensant à mon prochain repas, à mon chien qui vieillit, à la couette de cheveux croche de la personne qui me parle.

Je n’ai pas besoin de plus d’attention, puisqu’il me semble déjà savoir ce que cette personne va me dire. Je la connais si bien! Je sais la conclusion de notre conversation. Je suis très bonne pour deviner l’autre, je présume constamment de ce qu’elle pense ou même ce qu’elle ressent. C’est rassurant, comme ça je ne suis pas décontenancée.

Dernièrement, lorsque j’arrive à l’écurie et que je vais chercher mon cheval dans le champ, il se détourne et s’éloigne. Je suis déçue de cette attitude et même fâchée de ce manque de reconnaissance. J’ai essayé la méthode des gâteries, mais même cela ne donne pas de vrais résultats. On dirait qu’il ne veut plus me voir. J’imagine plusieurs scénarios : il ne m’aime plus; je ne suis plus importante pour lui; ou il est trop gâté, trop indépendant, non reconnaissant. Je suis déroutée, je ne sais plus quoi faire, j’ai mal.

Pourtant, je suis au-devant de ses moindres désirs, je devine ses besoins et les combles avant même qu’il ne sache qu’ils existent. Je viens justement de lui acheter une couverture double épaisseur, imperméable avec courroie de sécurité qui passe entre ses pattes.

Mon cheval me regarde de loin. Il me nargue? Il me niaise? Le découragement s’empare de moi et je sens un grand désarroi. Peu importe mes efforts, je n’arrive pas à me sentir en lien avec lui. Les larmes montent. Je m’assois sur la clôture en laissant la place à ma tristesse, à mon chagrin. C’est alors que je sens son souffle chaud dans mon cou. Je relève les yeux et il est là, juste en face de moi. Il me regarde avec curiosité et ouverture.

La douceur de sa présence, la qualité de sa connexion, c’est tellement bon. Je réalise que trop souvent je ne suis pas vraiment présente lorsque je suis avec lui. Mes gestes sont automatiques et je parle souvent avec les autres pensionnaires de l’écurie lorsque je le prépare pour le monter. Je laisse toute la place à mes pensées et très peu à lui, mon cheval. Depuis quelque temps, mon cheval ne vient plus vers moi lorsque je vais le chercher au champ et j’ai bêtement cru me rendre intéressante avec une poignée de bonbons et une couverture imperméable avec courroies de sécurité. Pourtant, dès que j’ai reconnecté sincèrement à ce qui était vivant en moi, il a tout de suite réagi en s’approchant.

Mon cheval vit dans le moment présent et il écoute, il écoute ce qui est vivant. Il écoute avec tout son corps, mais surtout avec son cœur. C’est le meilleur allié pour m’apprendre à me reconnecter. Aujourd’hui, je’n’ai pas monté mon cheval. Je suis restée dans le champ avec lui et nous avons regardé mon hamster courir partout… Que de bien-être ! Je n’oublierai pas la leçon, la prochaine fois que mon cheval se détournera de moi je me poserai la question à savoir si je suis présente, si ma ligne est engagée, ou s’il n’y a pas d’abonné au numéro composé…

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